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Octobre rose mot à maux, pour une réelle liberté de choix

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octobrerosesept27rec04Octobre rose mot à maux, pour une réelle liberté de choix

Trois années se sont écoulées depuis la publication de No Mammo ? Enquête sur le dépistage du cancer du sein[1]. Beaucoup d’eau est passée sous les ponts, beaucoup études démontrant le peu d’impact de la mammographie sur la mortalité ont été publiées. Néanmoins les slogans d’Octobre rose n’ont rien perdu de leur aplomb et le grand public dans son ensemble est toujours tenu à l’écart du débat en cours dans la communauté scientifique sur la balance bénéfices/risques du dépistage du cancer du sein. Cela s’explique aisément. Pour les statistiques, face à la belle histoire – celle de la survivante dont la vie fut « sauvée » par la mammographie – le combat est perdu d’avance. Le battage médiatique intense l’emportera toujours sur les études du British Medical Journal.           

           Il fallait donc trouver un autre angle d’approche, démontrer autrement que par l’analyse des études scientifiques que le message des Octobres roses était faux, trouver d’autres outils permettant à chacun, mais à surtout à chacune, de déterminer si celui qui parle dit vrai. Comment faire alors lorsque l’on ne possède pas le bagage académique qui permet d’analyser le message lui-même ? Très simple : il suffira de repérer certains signaux révélateurs des intentions de l’émetteur du message. Des signaux qui nous permettront de répondre à la question : cherche-t-on à me manipuler ou non ? S’il y a tentative de manipulation, il y a de fortes chances que l’émetteur ne juge pas son message suffisamment juste et valide pour nous convaincre par des voies normales. L’arme du manipulant, dès qu’elle est reconnue, va se retourner contre lui et en faire un argument en sa défaveur. En d’autres termes, il suffira souvent d’analyser la forme pour avoir une idée du fond. La forme, autrement dit les mots avec lesquels on s’adresse à nous, candidates au dépistage, lors des Octobres roses.

            En même temps que la sensibilisation au cancer du sein est apparue une nouvelle langue. Victor Klemperer avait dénoncé la LTI,  Lingua Tertii Imperii, la langue du IIIe Reich[2]. Eric Hazan, lui rendant hommage, s’était chargé de la LQR, Lingua Quintae Respublicae, la langue de la Ve République[3]. Nous avons à présent la LOR, Lingua October Rosa, la langue d’Octobre rose. Une langue dans laquelle « informer » signifie « convaincre », « prévenir » signifie « constater » ce que l’on n’a pu, justement, prévenir, et ainsi de suite. La langue d’un nouvel environnement où ceux qui prétendent « faire le point » et « nous éclairer » sur la « polémique » en cours dans le domaine du dépistage sont souvent les moins bien placés pour le faire, où l’éthique est bafouée par ceux-là mêmes qui se réclament d’elle. Un environnement où il faudra toujours vérifier si ceux qui se disent indépendants ne sont pas au contraire pieds et poings liés par des conflits d’intérêts ou d’objectifs, un environnement où la confiance envers ceux qui affirment nous comprendre et agir pour notre bien ne sera plus de mise.

          « Quand les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté », disait Confucius. Quand les communicants d’Octobre rose emploient les mots à contresens, nous perdons notre liberté de choix. C’est pour que les candidates au dépistage la retrouvent que j’ai écrit Octobre rose mot à maux- pour une réelle liberté de choix. Se faire dépister ou pas ? L’important n’est pas le sens de la décision, mais qu’elle soit prise hors de toute interférence illégitime. Or la manipulation représente par définition une telle interférence.

               Pour ce deuxième ouvrage, j’ai choisi l’auto édition en utilisant la plateforme Amazon. J’ignore encore ce que cela vaut mais ce ne peut être pire que ma première expérience de l’édition. Tout est expliqué ici et . Je suis membre de deux associations d’auteurs qui sont bien impuissantes devant cette gabegie. Il existe bien entendu des éditeurs qui traitent et rétribuent correctement leurs auteurs, il n’empêche qu’il existe un certain malaise dans le monde de l’édition classique et que les auteurs ont fort peu de recours.

            Pour revenir à nos moutons, Octobre rose mot à maux ambitionne de donner – ou redonner – le goût du décryptage. La vigilance sur l’emploi qui est fait des mots ne doit pas être une corvée mais un plaisir. En effet, si la campagne de sensibilisation au dépistage du cancer du sein est une saison relativement pénible pour les personnes un tant soit peu informées, elle procure toutefois de bons moments lors de la découverte de perles. Il arrive fréquemment, tant du côté des journalistes que de celui des promoteurs du dépistage, que l’on se mélange les pinceaux. Un lapsus par ci, un aveu par là, un excès de zèle pour couronner le tout, et l’affirmation ou le slogan censés nous convaincre se retournent contre l’émetteur du message en le décrédibilisant tout à fait. Ci dessous quelques perles extraites du préambule qui leur est consacré dans Octobre rose mot à maux- Pour une réelle liberté de choix.

 Le Dr Pierre Cressely de l’Adeca 10 (structure de gestion du dépistage des cancers[4] de l’Aube) dans l’Est-Eclair :

« On ne veut pas culpabiliser celles qui ne participent pas au dépistage. Mais il est important de prendre soin de soi tous les deux ans. »

 Et le reste du temps, on se néglige ?

 *****

Le dossier de presse Octobre rose 2011 d’Aisne Preventis (structure de gestion  de l’Aisne) nous met en garde :

« Se mobiliser pour le dépistage, c’est pour beaucoup risquer d’attraper le cancer. »

Parfois, la mobilisation est dangereuse.

*****

La Dépêche, le 19 décembre 2013, en titre :

« La deuxième lecture réduit le risque de cancer du sein. »

 Trop forte, cette deuxième lecture !

 *****

Europa Donna dans le publi-rédactionnel consacré au dépistage inséré dans le Monde du 19 octobre 2012 nous explique qu’une de ses missions est d’« encourager au dépistage qui sauve des vies, malgré la polémique ».

 Vaillant dépistage, qui doit lutter contre la polémique pour sauver des vies.

*****

La Ligue contre le cancer s’interroge en octobre 2013 :

« Et si nous replacions les femmes au cœur d’Octobre rose ?»

 Parce qu’elles n’y étaient pas jusque-là ? Alors, en effet, il serait temps.

***** Dans la liste des FAQ de l’ADECA 10, la structure de gestion du dépistage des cancers de l’Aube :

« Question : Á la réception du courrier de l’ADECA 10, que dois-je faire ?

Réponse : Prenez directement rendez-vous auprès d’un radiologue agréé (liste des radiologues agréés au dos du courrier d’invitation) »

Rendez-vous directement au centre d’imagerie médicale le plus proche, ne passez pas par la case réflexion.

*****

Sur le site de l’Apremas (structure de gestion du dépistage des cancers dans les Alpes-Maritimes et les Alpes de Haute-Provence) :

« Participer aux campagnes de dépistage du cancer, c’est porter un nouveau regard sur sa santé et exercer un choix, en toute liberté. »

Le choix de participer, en toute liberté…

*****

Un oncologue cité par le publi-rédactionnel consacré au dépistage inséré dans le Monde du 19 octobre 2012 :

 « Nous sommes aujourd’hui confrontés à des patientes qui discutent les traitements, voire y renoncent. »

Bienvenue au XXIe  siècle…

 *****

Sur le site de l’ODLC Isère, la structure de gestion pour ce département :

« Quand on parle de dépistage du cancer du sein, souvent, le mot cancer sonne plus fort que celui de dépistage. Pourtant, aujourd’hui, la prévention par dépistage permet d’agir avant que la maladie s’installe. »

Que dépiste-t-on alors si la maladie n’est pas là ?

*****

Sur le même site, même page :

« Quand il n’y a aucun symptôme et qu’on se sent en bonne santé, c’est le bon moment pour faire de la prévention par dépistage. » 

Vous êtes en bonne santé ? Tout va trop bien ? L’ennui vous guette ? Pensez au dépistage.

 *****

Le rapport du GRED « Éthique et dépistage organisé du cancer du sein en France », à la page 13 :

« L’information du patient ne saurait donc reposer uniquement sur l’exposé de résultats scientifiques. »

Aucun risque. Il faudrait pour commencer que cette information repose un tant soit peu sur « l’exposé de résultats scientifiques ».

 *****

Le dossier de presse Octobre rose 2013  de l’INCa constate :

« Les femmes interrogées n’évoquent pas spontanément le risque de surdiagnostic »

Il est vrai qu’on ne leur en a pas « spontanément » parlé.

 *****

Communication de l’Institut Paoli Calmettes (IPC) de Marseille :

« En matière de surdiagnostic, il faut redoubler de vigilance sur la manière de communiquer auprès des femmes afin de ne pas risquer de diminuer leur participation, pourtant déterminante, dans l’efficacité des programmes. Il faut éclairer leur choix par une information juste, honnête et compréhensible. »

Une information « honnête » mais qui ne doit pas « risquer de diminuer leur participation » : si l’IPC sait comment procéder pour y parvenir, qu’il communique la recette.

*****

La Dépêche du 16 novembre2012 titre : « Cancer du sein : prévenir pour mieux guérir »

Nous avions « Mieux vaut prévenir que guérir », voici « Prévenir pour mieux guérir ». Qu’a-t-on prévenu s’il y a quelque chose à guérir ?

*****

            Ainsi s’achève notre tour d’horizon des perles de campagne. Mieux vaut en rire. D’abord parce que le rire est le premier pas vers la lucidité, et ensuite parce que nous ne nous moquons pas assez. Le dicton « Plus c’est gros, mieux ça passe » ne doit plus être une fatalité. Faisons en sorte que le « gros » ne passe plus sans que son ridicule ne soit exposé en place publique. Bon décryptage.



[1] Ed. Max Milo, 2011.
[2] LTI, la langue du IIIeme Reich, Victor Klemperer, Ed. Pocket, 2003
[3] LQR, la propagande du quotidien, Eric Hazan, Ed. Liber, 2006
[4] Les structures de gestion du dépistage des cancers (SG) sont chargées de l’application des programmes de dépistage des cancers au niveau départemental.

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